Meublés touristiques et copropriété à Paris

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Par Nicolas GARBAN

Premier volet de notre grand dossier consacré aux meublés touristiques dont l’implantation se développe chaque jour à Paris.

Intéressons nous aujourd’hui au régime de la copropriété, car c’est le cadre le plus fréquent dans lequel nous retrouvons ce type d’appartements offerts pour de courtes durée de séjour aux touristes des quatre coins du monde.

Les plateformes proposant ces offres (AIRBNB/ Abritel/ Homelidays/ Booking, …) se multiplient et se pose dès lors une question très simple : Le régime de la copropriété permet il d’interdire l’implantation de meublés de tourisme de courte durée ?

La réponse varie selon votre règlement de copropriété

I – LE PRINCIPE DU CHANGEMENT D’USAGE

Déjà peut-on transformer un logement, un commerce, un atelier en meublé de tourisme ?

L’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété prévoit qu’un règlement de copropriété « détermine la destination des parties tant privatives que communes ainsi que les conditions de leur jouissance » (…) ; « un règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ».

C’est donc la compatibilité avec la destination de l’immeuble qui prime et ce tel que fixée par le règlement de copropriété (cette destination ne pouvant ensuite être modifiée que par un vote unanime de TOUS les copropriétaires) qu’il faut envisager le changement d’usage d’un lot de copropriété en un meublé de tourisme.

Or, en ce domaine, il n’existe pas de règle automatique, car un règlement de copropriété fixe des règles, des interdictions, des limites aux droits des copropriétaires pour préserver les conditions de jouissance propre à chaque immeuble.

Ces règlements peuvent ainsi prévoir :

  •  une clause d’habitation bourgeoise exclusive et dans ce cas, l’immeuble est seulement destiné à l’habitation et exclut toute activité même professionnelle.
  •  des clauses d’habitation bourgeoise sans exclusivité qui permettent de tolérer une activité professionnelle tout en excluant la pratique commerciale. Parfois, des tolérances sont accordées aux lots du rez-de-chaussée ou du premier étage pour qu’ils puissent avoir une affectation professionnelle, voire commerciale.
  • des clauses de destination mixte ou tant l’habitation que les professions libérales ou les commerces peuvent être pratiquées avec plus ou moins de restriction dans l’immeuble.

Il s’agit par conséquent d’un audit au cas par cas étant toutefois précisé que contrairement aux fausses idées reçues, IL N’EST PAS NECESSAIRE DE CONSULTER L’ASSEMBLE GENERALE DES COPROPRIETAIRES pour qu’un lot à usage de commerce ou d’habitation puisse être exploité en meublé de tourisme dès lors que l’implantation d’un meublé de tourisme est compatible avec la destination de l’immeuble.

En effet, le 20 mars 2014 le conseil Constitutionnel (décision 2014-691 – considérant n°47) à l’occasion de la censure d’un projet d’article sur ce sujet qui était inclus dans la première mouture de la loi ALUR, il a été jugé que :

« le législateur, afin de lutter contre la pénurie de logements destinés à la location, a permis à l’assemblée générale des copropriétaires d’un immeuble de décider, à la majorité des voix de tous les copropriétaires, de soumettre discrétionnairement à son accord préalable, et sans préjudice des pouvoirs conférés à l’autorité administrative par les articles L. 631-7 et suivants du code de la construction et de l’habitation, « toute demande d’autorisation de changement d’usage d’un local destiné à l’habitation faisant partie de la copropriété par un copropriétaire aux fins de le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage » ; qu’il a ainsi, dans des conditions contraires à l’article 2 de la Déclaration de 1789, permis à l’assemblée générale des copropriétaires de porter une atteinte disproportionnée aux droits de chacun des copropriétaires ».

II – LA COMPATIBILITE DU MEUBLE DE TOURISME AVEC LA DESTINATION DE L’IMMEUBLE

Bien qu’il n’existe pas de règles fixes, l’analyse des décisions des Tribunaux permet toutefois de déterminer une typologie des cas de figure les plus fréquents.

Ainsi, le meublé de tourisme peut être interdit compte tenu de la gêne que cela peut générer :

  •  Ainsi la division de lots (dont les conditions sont prévues par l’article 11 de la loi du 10 juillet 1965) peut porter atteinte à sa destination, si l’immeuble ne comporte pas de « lots accessoires » en nombre suffisant (caves, greniers, parkings), la multiplication du nombre de résidents étant alors de nature à affecter les conditions de vie des copropriétaires (encombrement des parties communes par les nouveaux copropriétaires, stationnement anarchique etc., V. Cass. 3e civ., 10 mars 1981 : Bull. civ. 1981, III, n° 52).
  •  Il en est de même, si le projet considéré contribue à subdiviser sans fin des lots existants.

 Ainsi, la clause qui interdit la transformation des lots en pièces autonomes peut être justifiée par la destination de l’immeuble qui, même à usage mixte d’habitation et de bureaux, n’est pas adapté à son occupation par de nombreux locataires (CA Orléans, 21 juin 1999, n° 97/03074 – V. également CA Paris, 23e ch., 27 mars 1979 : D. 1980, somm. p. 236, obs. Cl. Giverdon) .

 D’ailleurs pour apprécier s’il est possible ou non de créer sans inconvénient des lots supplémentaires, les tribunaux s’attachent à la configuration interne et externe de l’immeuble (ses « caractères », pour reprendre la terminologie de l’article 8 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965).

 La conception générale de l’immeuble et de ses équipements peut également faire qu’il ne peut pas abriter un nombre de résidents supérieurs, les « dessertes » (couloirs, escaliers, ascenseur) ne le permettant pas car ils ont été conçus pour n’accueillir qu’un nombre d’occupants limité. Une surpopulation entraînerait alors des désagréments multiples : dégradation accélérée des parties communes dues à la multiplication du « trafic », des emménagements et déménagements, des visiteurs ; impossibilité pour le concierge de contrôler les allées et venues beaucoup plus nombreuses et augmentation de l’insécurité, etc.

De la même façon, « En subordonnant la possibilité de diviser les lots à la nécessaire autorisation de l’assemblée générale, et en interdisant la location en chambres meublées, ainsi que l’exploitation d’une pension de famille, les copropriétaires ont entendu préserver le standing de l’immeuble lequel se trouverait amoindri par la multiplication du nombre des occupants. La clause du règlement de copropriété qui, a pour finalité de conserver à l’immeuble son caractère résidentiel tenant compte de son environnement et de son standing, auquel porteraient atteinte notamment la réduction des surfaces des appartements et l’augmentation corrélative du nombre des appartements et des occupants, est parfaitement conforme à la destination de l’immeuble de grand standing.

 C’est seulement s’il apparaît que la décision de refus opposée par l’assemblée générale des copropriétaires n’est pas inspirée par la poursuite de l’intérêt collectif et si elle entraîne une rupture d’égalité entre ces derniers, qui se trouve mis en évidence un abus de majorité de nature à justifier l’annulation de cette décision.

 C’est sans abus de majorité que l’assemblée générale a refusé la restructuration des parties privatives, dès lors que le projet de division de l’ensemble des lots composant toute une cage d’escalier, en tant qu’il porte sur une augmentation de près de 42 pour cent du nombre des appartements, constitue une opération de grande ampleur dont la réalisation se traduira par une nécessaire augmentation de la fréquentation du hall d’entrée et des abords immédiats de l’immeuble et, subséquemment, par des nuisances auxquelles l’immeuble n’est pas confronté dans sa configuration actuelle.

Il n’y a pas lieu d’autoriser judiciairement la division des lots dès lors que le projet de restructuration initié par le copropriétaire aura pour conséquence de réduire les surfaces des appartements, d’augmenter le nombre d’appartements et le taux d’occupation et d’entraîner une fréquentation accrue de l’immeuble et de ses abords ». (CA VERSAILLES, 16.07.2009 (SNC LES LOCATAIRES / SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 17 / 24 PLACE DE L’IRIS LA DEFENSE II A COURBEVOIE – Jurisdata 2009-379397)

Par contre, il existe tout de même certaines situations où le meublé de tourisme est autorisé.

Mais il faut bien faire attention en ce domaine car la jurisprudence des tribunaux est très évolutive.

Ainsi, alors que la Cour de Cassation avait dans un premier temps admis que le meublé de tourisme pouvait être exercé dans un immeuble qui permet à la fois l’occupation à destination d’habitation de profession libérale (Cass. 3e civ., 8 juin 2011, n° 10-15.891 : JurisData n° 2011-011067 ; JCP G 2011, doctr. 1298, H. Périnet-Marquet ; Loyers et copr. 2011, comm. 253, obs. G. Vigneron), il faut voir que tel n’est plus le cas aujourd’hui.

Dans un arrêt du 8 mars 2018, la Cour de Cassation a considéré que le meublé de tourisme est une activité commerciale incompatible avec la destination d’un immeuble qui ne prévoit pas que les lots puissent être à destination commerciale mais uniquement à usage d’habitation ou de profession libérale.

Il faut donc bien regarder si un règlement de copropriété privilégie l’occupation résidentielle avant de s’aventurer à changer la destination d’un lot vers une activité de meublé de tourisme et privilégier ce type d’activité dans un lot dont la destination préexistante est à usage commercial.

III – LES CONFLITS EN COPROPRIETE LIES AU CHANGEMENT D’USAGE

Bien que le changement d’usage d’un lot de son usage initial n’ait pas à être soumis à l’accord de l’assemblée de copropriétaires, celle-ci reste néanmoins compétente pour statuer :

  •  d’une part, l’assemblée peut être amenée à délibérer sur l’aggravation ou la diminution des charges d’équipements collectifs (ascenseur et chauffage collectif principalement) en fonction du changement d’usage du lot et ce, en application de l’article 25, e) de la loi du 10 juillet 1965 ;
  •  d’autre part au titre de la demande du copropriétaire de modifier la désignation du lot figurant dans l’état descriptif de division ;

Ces votes de copropriétaires donnent parfois lieu à des dérives où les copropriétaires souhaitent imposer des restrictions voire interdire l’implantation de meublés de tourisme.

Deux configurations sont alors possibles :

  •  Soit, effectivement, la destination prévue par le règlement de copropriété est incompatible avec l’exploitation d’un meublé de tourisme et les copropriétaires sont tout à fait habilité à délibérer en ce sens (sous réserve de respecter les autres règles et formalisme existant en matière de copropriété).

 De plus, et même si l’exploitation d’un meublé de tourisme semble compatible avec la destination de l’immeuble, on relèvera que le Syndicat des Copropriétaires peut être fondé à soulever d’autres motifs et notamment l’absence de respect des obligations imposées par le Code de la Construction et de l’Habitation pour s’opposer à l’implantation d’un tel meublé CA Paris, 7 janv. 2015, n° 13/00674).

  •  Soit les copropriétaires prennent une décision totalement abusive.

 Dans ces cas, il convient de rappeler que l’assemblée s’expose à une action en nullité de la résolution que tout copropriétaire absent ou opposant peut solliciter dans les deux mois suivant la diffusion du procès-verbal de l’assemblée générale (article 42 de la loi du 10 juillet 1965).

Cette action ne peut être introduite que par le biais d’une assignation devant le Tribunal de Grande Instance et nécessite l’intervention d’un avocat.

Certains copropriétaires ont en outre obtenu des condamnations du Syndicat à leur verser des dommages et intérêts.

En résumé, rien ne permet d’affirmer que le régime de la copropriété puisse interdire automatiquement l’implantation d’un meublé touristique de courte durée. Cela dépend uniquement du règlement de copropriété de chaque immeuble.

En revanche, il faut rester méfiant sur :

  1. les troubles qu’une telle activité peut générer, le Syndicat des Copropriétaires comme tout copropriétaire ou voisin pouvant agir à l’encontre du propriétaire sur le fondement des troubles anormaux du voisinage ;
  2. Le respect des autres réglementations et notamment celles imposées par le code de la construction et de l’habitation ou encore le code de l’urbanisme, le syndicat des copropriétaires pouvant se prévaloir du non respect de ces règles pour faire interdire l’exploitation d’un meublé touristique
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