COVID-19 et Droit de la Copropriété
Dans le cadre de loi d’urgence sanitaire n° 2020-290 du 23 mars 2020 pour faire face à l’épidémie de Covi-19, le gouvernement a pris plusieurs dispositions d’ordre économique et sociale.
Plusieurs ordonnances ont été prises le 25 mars 2020 dont plusieurs ont un impact direct en droit de la copropriété voire en droit de la construction ou pour tout le droit civil en général.
Nous vous proposons de revoir les textes impactant directement ou indirectement le droit de la copropriété.
1°) Ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété
1.1 – Le contrat de syndic qui venait à expiration pendant la période confinement est automatiquement renouvelé.
« Article 22 – Par dérogation aux dispositions de l’article 1102 et du deuxième alinéa de l’article 1214 du code civil et de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, le contrat de syndic qui expire ou a expiré pendant la période définie à l’article 1er est renouvelé dans les mêmes termes jusqu’à la prise d’effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires. Cette prise d’effet intervient, au plus tard six mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire mentionné à l’article 1er. »
Le choix des termes de l’ordonnance est important.
On peut les analyser de la façon suivante :
- Quels sont les contrats concernés ? : ceux qui expirent ou qui ont expiré dans une période comprise entre le 12 mars et un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire (a priori le 24 juin 2020 si l’on suit l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 relative à l’urgence sanitaire).
- Quel est l’effet de l’ordonnance ?: le contrat est renouvelé dans les mêmes termes.
Il ne s’agit pas, à l’évidence, d’une prorogation mais bien d’un renouvèlement automatique qui interviendra :
- dans les mêmes termes que le précédent, c’est-à-dire avec les mêmes missions et pour les mêmes tarifs ;
- pour une durée qui ne peut pas excéder 6 mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire et ce, dans la mesure où le texte précise bien que le contrat du syndic doit être explicitement renouvelé lors de la prochaine assemblée.
De fait, le syndic voit son contrat automatiquement renouvelé de telle sorte qu’il pourra continuer à assurer la gestion de l’immeuble concerné ou à convoquer une assemblée sans que l’on puisse contester la durée de validité de son mandat.
- Est-ce à dire que le syndic n’a rien à faire pendant cette année ? : non.
A l’évidence, le syndic reste astreint aux autres obligations qui sont les siennes et notamment à l’obligation imposée en matière de délai de tenue des assemblées générales et en particulier lorsqu’il s’agit de voter le budget prévisionnel ou d’approuver les comptes de l’exercice clos.
Rappelons ainsi que l’article 43 du décret du 17 mars 1967 impose que le « budget prévisionnel soit voté avant le début de l’exercice qu’il concerne » tandis que l’article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965 impose que le « budget prévisionnel soit voté dans les 6 mois de la fin de l’exercice comptable précédent » ;
De plus, l’article 2 du décret comptable n°2005-240 du 14 mars 2005, énonce que « le syndicat des copropriétaires approuve les comptes de l’exercice clos et vote, d’une part, le budget prévisionnel concernant les dépenses courantes de maintenance, de fonctionnement et d’administration des parties communes et équipements communs de l’immeuble, d’autre part les dépenses pour travaux prévus par l’article 14-2 et les opérations exceptionnelles ».
En clair, le syndic reste contraint de tenir, et au moins de convoquer, une assemblée dans les 6 mois de la clôture de l’exercice pour faire voter un nouveau budget prévisionnel et approuver les comptes de l’exercice clos.
- Lors de cette assemblée qui approuvera les comptes, le syndic est-il obligé de faire voter son mandat ?
La réponse pourrait être a priori négative puisque son mandat a été renouvelé dans les mêmes termes que le précédent.
Sauf que, comme précédemment dit, il semble que le texte fasse obligation d’inscrire la question du renouvèlement du mandat à la prochaine assemblée de telle sorte que le choix sémantique de « mêmes termes que le précédent » ne concerne que les clauses techniques du contrat de syndic mais non sa durée.
De plus, il restera toutefois astreint au fait d’inscrire à l’ordre du jour toute question qui lui aura été transmise par un copropriétaire en application de l’article 10 du décret du 17 mars 1967.
Egalement on précisera que lorsque le syndic soumet à l’assemblée une question relative au renouvellement de son contrat, le nouveau mandat voté mettra automatiquement fin au mandat précédent.
1.2 – Les délais de prescription
« Article 2
I. – Les dispositions de l’article 2 de l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 susvisée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période sont applicables aux procédures devant les juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale. »
1.2.1 – Cela a-t-il une influence en droit de la copropriété ?
Du fait de cette ordonnance, « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d’office, application d’un régime particulier, non avenu ou déchéance d’un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période
mentionnée à l’article 1er sera réputé avoir été fait à temps s’il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l’acquisition ou de la conservation d’un droit. »
Autrement dit, tous les délais de recours seraient a priori « prorogés » de deux mois à compter d’un délai d’un mois suivant la fin de la période d’urgence sanitaire (cf. art.1 de l’ordonnance n°2020-306).
Autant dire que tout est « prorogé » de 3 (trois) mois suivant la fin de l’état d’urgence sanitaire (soit, a priori, jusqu’au 24 août 2020) pour saisir les juridictions appropriées.
Cela s’applique aux cas généraux en droit de la copropriété.
1.2.2 – Influence sur les autres délais et notamment en droit de la construction ou en droit des assurances
Si l’on a bien compris que l’ordonnance permettait d’obtenir une « prorogation » de trois mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire, une précision s’impose tout de suite.
Les termes de l’ordonnance ne parlent pas de prorogation mais bien d’un acte réputé avoir été fait à temps pendant cette période.
Cela a toute son importance pour certains délais et notamment en matière de calcul des prorogations des délais de prescription prévus par l’article 2231 du Code Civil.
Expliquons nous.
On sait que lorsqu’un délai de prescription ou plus précisément un délai de forclusion expire, une saisine en justice a pour effet de faire courir un nouveau délai de même durée à compter de l’acte de saisine du Tribunal.
Pour exemple : nous avions un délai de 2 ans qui expirait le 30 mars 2020.
En temps normal nous aurions saisi une juridiction pour la date maximale du 30 mars 2020 ce qui aurait fait courir un nouveau délai biennal courant jusqu’au 30 mars 2022.
Avec l’état d’urgence, la prorogation ordonnée nous permettra d’accomplir la saisine du Tribunal jusqu’à la fin du mois de juillet 2020 (si l’état d’urgence s’achève fin avril 2020).
Dans ce cas de figure, la saisine du Tribunal ne fera pas courir un nouveau délai qui expirera jusqu’en juillet 2022.
La saisine du Tribunal sera réputée avoir été faite à la date du 30 mars 2020 de telle sorte que, même effectuée en juillet prochain, le délai de prescription ne sera prorogé que jusqu’au 30 mars 2022.
Cela est fondamental et notamment pour tous les dossiers en cours ou des délais de prescription ou de forclusion devaient expirer et notamment en termes de recouvrement de charges.
En revanche, et cela est tout aussi important, il faut bien voir que l’ordonnance ne vise que les dispositions générales du Code Civil, du Code de Procédure Civile et du Code de l’Organisation Judiciaire.
Ce visa bien particulier montre bien que la prorogation des délais ne vaut qu’en cas de saisine des Tribunaux.
Autrement dit, cette « prorogation » ne peut pas s’envisager dans les conditions strictes du droit des assurances et en particulier de certaines dispositions combinées des articles L 114-1 et L 114-2 du Code des Assurances.
Ainsi, dans la mesure où les services postaux continuent de fonctionner, il reste loisible d’interrompre un délai d’assurance avec un courrier recommandé pendant la période de confinement.
La vigilance reste donc de mise.
2°) Ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19
Ce texte vient préciser les mesures intermédiaires annoncées par le ministre de l’économie visant le report des loyers commerciaux et professionnels.
Plusieurs précisions s’imposent.
Nous en parlons ici car,à l’évidence, cela ne concerne pas :
- Les loyers d’habitation
- Ou les charges de copropriété.
Ces charges restent donc dues sans report ni aménagement autre que le bon sens en fonction des cas particuliers qui pourraient se présenter.
Pour le reste, il semble que, à ce jour :
- hormis des crédits pour les TPE et les PME, rien ne soit envisagé pour que les particuliers puissent obtenir de reports de crédits personnels ;
- rien ne soit prévu concernant les reports de chantiers ainsi que l’application d’éventuelles pénalités de retard.
Bien entendu, nous ne manquerons pas de vous tenir informé dès que nous aurons davantage de détails.